• J'aime l'aube et le crépuscule, j'aime le printemps et l'automne...

    ... Ils me rappellent que les choses peuvent changer.

     

    Je suis le cadet d'une famille nombreuse, le second enfant, et j'ai l'impression que ce que je m'apprête à vous raconter est assez fréquent, à la lumière de mes recherches sporadiques sur le sujet. Je crois avoir déjà répété quelque part la phrase d'un autre, à savoir environ : « On n'apprend pas à vouloir dominer, mais on apprend à dominer. »

    Ben ici, c'est pareil : on n'apprend pas à vouloir être parent (encore que, c'est un peu le rôle du conformisme), on apprend à être parent. Et comme il n'y a pas d'école de parentage, ben on apprend sur le tas.

    Du coup, ça donnerait grosso modo ça : le premier gamin, on répond à tout les cris, à tout les pleurs, on s'inquiète, on console, on soulage. Le deuxième, légèrement blasé et habitué aux caprices, on le laisse quelque peu crier dans le vide, faire ses caprices dans le vent, on le laisse se relever tout seul quand, pour son ainé, on accourait pour le relever soi-même. Les suivants, ayant pris le coup de main, on se donne enfin un rôle équilibré entre l'aide et l'apprentissage de l'autonomie.

    Qu'est ce qui en ressort ? Dans le cas du cadet, il aura pu constater, pendant toute sa petite enfance, qu'il a beau pleurer, crier, trépigner, appeler à l'aide, rien ne se passe. Il n'influence en rien le cours des évènements. Fort de cette observation, il y a des chances que dans son enfance, puis son adolescence, il se donne moins la peine que les autres de tenter de modifier le cours des choses, habitué à ne pas pouvoir les changer, et il va apprendre qu'il ne contrôle rien. Les cadets sont socialement prédisposés à faire preuve de fatalisme.

     

    Pourquoi je vous raconte ça ? Je ne sais pas. Peut-être pour tenter d'exorciser ma propre résignation, peut-être pour donner un aperçu plus réaliste de moi. Je ne sais pas de quoi j'ai l'air au travers de ce blog, mais je suppose que, jusque là, j'ai mis en valeur les qualités et occulté les défauts.

     

    Je me suis déjà posé la question du rôle du fatalisme dans l'esclavage consenti. Après tout, c'est la perte volontaire de tout contrôle sur notre vie. N'est-ce pas, en vérité, un moyen, conscient ou inconscient, de conformer notre vie à notre vision du monde, pour ne pas avoir à la remettre en cause ? Ne serait-ce pas un moyen de s'assurer d'une force supérieure dirigeant notre vie, à laquelle on peut se résigner sans risque de se tromper sur son existence ? Le fatalisme est peut-être bien une des raisons du désir de servitude, mais, à mon avis, elle n'est ni nécessaire, ni suffisante.

    Il faudrait faire tourner un sondage dans la population BDSM, pour vérifier s'il y a ou non une majorité de cadets parmi les soumis et les esclaves. On pourrait même faire la même chose pour les Dominants et les Maîtres, pour vérifier s'il n'y a pas une majorité d'ainé, ayant appris dans leur petite enfance qu'ils contrôlent leur environnement, voire on eu à s'occuper de leurs petits frères et petites sœurs une fois plus âgés. Mon Maître est dans ce cas : il est l'ainé de sa fratrie.

     

    Mais même si le fatalisme m'a peut-être conduit à l'asservissement volontaire, ça n'en devient pas une qualité pour autant. Elle me ferait désirer la servitude, mais surtout, elle me donne souvent l'impression que c'est inutile, que tout effort est vain, que je ne serai jamais un esclave. Je ne me sens pas capable de le devenir, je ne sens pas mon Maître capable de devenir véritablement un Maître.

    Évidement, mon Maître a des qualités et des défauts, et des blocages à supprimer avant de s'accomplir en tant que Dominant, autant que j'en ai moi-même. Mais au lieu de m'aider, et au lieu de l'aider, à s'approcher de notre but commun, je pers souvent espoir. Je m'en veux de ne pas être esclave, et je lui en veux de ne pas être Maître, car, comme nous ne le sommes pas encore, je ne peux m'empêcher de me persuader que nous ne le serons jamais. Je suis plus un obstacle qu'une aide dans notre évolution.

     

    Nous traversons des temps difficiles. Je ne sais plus si je l'ai déjà dit quelque part, mais quand j'ai commencé ce blog, nous étions déjà logé chez quelqu'un, pour raisons techniques, et nous risquons fort d'y être pour de nombreux mois, presque jusqu'à la fin de l'année. Une éternité pendant laquelle nous n'avons pratiquement pas d'intimité, et où mon Maître ne peut généralement pas m'utiliser à sa guise. Je fais ce que je peux pour me montrer soumis et serviable, et il fait ce qu'il peut pour me dominer et me contrôler, mais notre relation D/s s'est nettement adoucie depuis que nous avons dû abandonner son studio pour un an.

    Et les souvenirs me dépriment, j'ai l'impression d'avoir régressé, ça me conforte dans l'idée que nous ne parviendrons jamais à un véritable esclavage. Je saute, sans vraiment y réfléchir sur la moindre erreur, la moindre faille, le moindre affaiblissement de mon Maître et de son autorité pour remettre en doute ma soumission, nos chances d'y parvenir. Il n'arrive pas toujours à contrer ces attaques, et cela finit en dispute. Oui, pour ceux qui en douteraient, ça existe les disputes dans les relations Maître/esclave. Au moins dans leurs débuts en tout cas.

     

    Enfin... Je vais tout de même finir sur une note d'espoir : contrairement à il y a quelques temps, je ne remet plus en doute mon désir d'être asservi. Et ça, c'est bien un changement positif, non ?

     


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  • Commentaires

    1
    Joshu'
    Vendredi 27 Mai 2011 à 21:13

    La reflexion est interessante, mais tous les parents n'ont pas la même façon d'appréhender l'éducation de leurs enfants quand ils en ont plusieurs, il y a de nombreux exemples de parents qui au contraire sont plus coulants et généreux avec le second, alors qu'ils étaient plus durs avec l'aîné... d'autre qui tentent d'être égaux avec tous, d'autres qui le sont sans s'en rendre compte... ça dépend des parents, de la différence d'âge entre les enfants, et surtout du résultat de leur éducation qu'ils ont pu voir sur le premier enfant lorsqu'ils passent au suivant. Les mômes vont aider involontairement leurs géniteurs à adapter leur façon de les traiter.

    Je suis un aîné, et  j'ai été ce qu'on peut appeler un gamin pourri gaté. Et je ne nierai pas que j'aime toujours autant les cadeaux et les attentions, bien au contraire ! Mais la position de dominant ne m'a jamais, jamais interessé. Je crains que la soumission ne m'aille bien mieux que l'habit de maître ! :) Je suis néanmoins un esclave très joueur, c'est peut-être dû à ce côté enfant roi ? Qui sait !

    Est-ce que ramener la "faute" sur le dos de l'éducation que nous a donné nos parents n'est pas un peu trop facile ? Pourquoi n'y aurait-il pas simplement des gens qui développent naturellement des tendances passives ou dominatrices ? Si tu avais été l'aîné, il y aurait eu des différences, mais peut-être que tu aurais malgré tout développé des envies de soumission.

    Est-ce que ta tendance à penser que tu ne seras jamais un bon esclave n'est pas une façon indirecte de dire à ton maître qu'il ne fait pas les choses comme désirées ?

    Désolé pour la psychologie de tripot, je suis aussi bon psychologue que dominant, mais ayant tendance à me culpabiliser même lorsque c'est l'autre qui fait mal, je me dis que peut-être que je ne suis pas le seul ?

    2
    hundurthraell Profil de hundurthraell
    Samedi 28 Mai 2011 à 21:58

    Alors, dans l'ordre :

     

    Je n'ai peut-être pas assez insisté dans mon article sur le caractère minoritaire de cette cause. Personnellement, je pense que l'éducation est l'influence majoritaire sur notre personnalité. Mais je parle d'éducation dans le sens large : les parents, les frangins, l'école, les profs, les autres mômes, les inconnus, l'environnement de vie, les livres, la télé, les jeux vidéos, internet, même si nous ne connaissons pas la portée exacte de chacune de ces sources d'éducation.

    Les parents sont probablement la plus importante pour la majorité d'entre nous, tout simplement parce qu'elle commence avant la naissance (eh oui, les scientifiques s'en sont aperçu : dans le ventre, on entend déjà les voix des autres et on y réagit, et on trouve probablement là les premières bribes d'éducation.). Mais même en considérant les parents comme l'unique source d'éducation, le fait d'être cadet n'implique pas forcément que tout se passe comme je l'ai expliqué. J'ai juste eu l'impression que ce résultat était assez courant.

    Cette proposition de sondage n'est rien de plus qu'une tentative de repérer si assez de monde ont été cadet, ont subit mon scénario, et ont eu une éducation suffisamment dominée par leurs parents, pour repérer une influence significative. Influence peut-être, au final, tellement négligeable qu'elle ne sera en vérité jamais perceptible.

     

    Ensuite, j'ai envie de sauter sur une de tes phrases, pour faire une simple remarque : « Pourquoi n'y aurait-il pas simplement des gens qui développent naturellement des tendances passives ou dominatrices ? ». Pourquoi passives ou dominatrices ? On peut être passif et dominant, ou soumis et actif. Quand je fais une fellation à mon Maître, et qu'il en profite, allongé sur son lit, la tête sur ses mains, il ne me semble pas qu'il soit très actif, ni moi très passif. Pareil quand je lui fais un massage intégral, pour donner un exemple non sexuel.

    C'est un préjugé de penser qu'un soumis est toujours passif et un dominant toujours actif. Un préjugé dont il faut se débarrasser, à mon avis. J'ai une petite phrase pour ça, quand des curieux ne comprennent pas qu'un soumis peut être actif : « Quand je suis passif, je fais preuve de docilité, quand je suis actif, je fais preuve d'obéissance. » Elle vaut ce qu'elle vaut. Moi, je l'aime bien, car en plus, elle met en valeur la nuance que je perçois entre docilité et obéissance.

     

    Enfin, pour répondre à tes deux questions finales, non, tu n'es pas le seul. Moi aussi, j'ai tendance à culpabiliser, même quand je ne suis pas responsable. Et c'est comme ça depuis aussi longtemps que je me souvienne. Me dévaloriser et partir sur le défaitisme n'ont pas non plus attendu ma rencontre avec mon Maître, bien qu'il y a quelques années, ces tendances se sont intensifiées pour des raisons indépendantes de celui-ci.

    Et mon Maître sait que notre relation est loin d'être idéale. Il sait qu'on est dans un environnement défavorable, et admet lui-même son inexpérience, ses erreurs et ses défauts. La différence, c'est que lui, il ne désespère pas, il est convaincu qu'un beau jour, tôt ou tard, il sera devenu un Maître efficace, expérimenté, et que je serai son esclave, dévoué et bien dressé. Il travaille sur moi pour me rendre plus soumis et plus stable émotionellement, mais aussi sur lui pour se défaire de ses propres problèmes. S'il y a une chose dont je suis persuadé, c'est bien qu'il ne lâchera jamais le morceau.

    Alors oui, peut-être que mes crises sont dues en partie au fait que tout ne se passe pas comme je le désire. Mais c'est normal. Après tout, c'est moi l'esclave, c'est à lui de décider de ce qu'il veut ou non. Enfin, c'est un peu simplifié, mais c'est à moi de faire ce qu'il désire, pas l'inverse, c'est moi qui doit apprendre à me calquer sur ses désirs, pas l'inverse. Je renvois sur mon article « La part des choses » du 11 avril 2011 : j'ai des besoins et des envies. Si mes besoins doivent être respectés pour mon épanouissement dans l'esclavage, mes envies, elles, ben s'il n'a pas envie de les satisfaire, il n'a pas à les satisfaire. Et c'est à moi d'apprendre à l'accepter. À quoi bon être esclave si mon Maître fait tout ce que je désire ?

     

    Sinon, pour terminer, ne culpabilise pas d'avoir fait de la psychologie de tripot, on a bien le droit de boire un petit coup entre deux ordres, non ? ;p

    3
    Joshu'
    Dimanche 29 Mai 2011 à 20:53

    Aie aie aie, concernant la phrase que tu as mentionnée, je m'excuse, c'est bêtement une erreur dans le choix du terme (j'ai même honte de l'avoir faite maintenant que je la vois), pour le fond je suis à cent pour cent d'accord avec toi. J'ai un très bon ami qui se considère comme soumis et qui est plutôt du genre actif, de ce côté, qui se chargerait d'ailleurs de me taper sur les doigts si j'avais l'idée de penser que le tableau ne pouvait être que blanc ou noir (et je pense que s'il lisait ma connerie, j'aurais droit à un regard plein de reproches).

    Tant que tu parviens à admettre tes défauts, et à voir et accepter (de gré ou de force :p) les siens, je pense que votre relation ne pourra qu'aller en s'améliorant. Je suis peut-être du genre à me rabaisser excessivement, mais je suis aussi de nature positive... surtout quand ça concerne les autres ! ;)

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